Être étudiante infirmière n’est pas toujours facile.

13 juin 2017.

 

Coucou, c’est de nouveau moi. L’étudiante infirmière qui râle.
Ça fait quelque temps que je n’avais rien écrit, essayant de me taire. Mais là, au bout d’un moment je pense que c’est le pavé et le coup de gueule ou le mental qui lâche. Au sens propre. Ce soir j’ai dû m’arrêter en voiture. Parce que Je n’en peux plus. Au début j’ai conduis. Vite. Peut-être un peu trop. En écoutant la musique. Fort. Peut-être un peu trop. Puis je me suis arrêtée. Peut-être que c’était raisonnable.
Vous savez, le matin, comme l’Infirmier(ère), je me lève aux aurores, voire même avant. Comme l’Infirmier(ère), je me prépare, sans vraiment passer devant le miroir. Comme l’Infirmier(ère), je pars à l’hôpital. Comme l’Infirmier(ère), j’enfile une blouse, des chaussures qui sont tachées d’un peu de Bétadine, de sang, de gel hydro alcoolique. Et je vais courir partout, à répondre aux sonnettes, à soigner un patient, faire le pansement d’un autre, rassurer le patient qui passe le lendemain au bloc. Essayer de soulager la douleur, l’angoisse, l’ennui. Et le soir comme l’Infirmier(ère), je ferai mes transmissions à la relève. Et je rentrerai chez moi. Epuisée après cette longue journée qui commence à 6h45 dans le service et qui finit à 20h30 sur le paillasson de l’hôpital.
Je ne parle même pas d’être payé, ça ça serait le rêve ! Attends, tu es stagiaire, calmate !
Justement. Stagiaire.
Le poste de merde.
Tu apprends. 8 semaines.
Il me reste 1 journée.
Et vous savez ce que j’ai entendu ?
« Léa, ce sont les transmissions je sais, mais tu peux aller faire l’entrée de la patiente qui vient d’arriver ? » Boh, les transmissions c’est quoi ? J’ai à prendre en charge 15 patients, il y en a 21 dans le service. Et je n’aurai aucune info ? Tant pis. La continuité des soins, qui s’en préoccupe ?
« La patiente elle m’a dit que tu ne l’avais pas aidé ? » Je fais comment quand on refuse mon aide parce que je suis stagiaire.
« Ça fait 8 semaines que tu es là ? Et tu ne connais pas les protocoles ? » Oui j’avoue. Je ne connais pas les protocoles, et je suis désolée. J’essaie de tout retenir. Mais c’est dur. Combien de chirurgie il y a ? Beaucoup. Combien de fois cette chirurgie a été pratiquée depuis que je suis là ? 1 fois. Alors oui, je n’ai pas ouvert le classeur. Je n’ai pas lu tout le protocole. Ma faute. Mais, attends, rappelle moi… Quel est mon prénom ? J’ai eu 8 semaines pour apprendre les chirurgies, les chirurgiens, les protocoles les plus demandés par chirurgiens, vos prénoms, le service, le fonctionnement de la pharmacie, …. Et mon stage fini sans que j’ai pu tout voir, entendre, retenir. Mais toi, tu as eu 8 semaines, mon prénom tu t’en souviens ? Non, ce n’est pas « stagiaire ». Ce n’est pas « petite jeune », ni « l’étudiante » ni « toi » ni « l’élève de tel ou telle infirmier(ère) ».
Je n’ai pas de prénom, je n’ai pas le droit de manger dans ton service avec toi, je n’ai pas le même vestiaire que toi, je n’ai apparemment pas la compétence pour répondre au téléphone. Tous demandent à parler à l’Infirmier(ère). C’est con, mais des fois je peux répondre, des fois même je suis la mieux placée pour répondre.
Mais bon, évidemment on est pas indispensable. Et heureusement.
Comme on me l’a si bien dit et redit : « Tu sais il y a tellement d’élèves infirmiers, aide-soignants, kinés,… On vous oublie quand il y en a un nouveau. C’est triste, mais c’est vrai. Vous êtes de passage, et on ne se souviendra pas de vous. »
Donc en plus d’être incompétent, d’oublier, de ne pas avoir de prénom, ni de reconnaissance, je n’ai même plus d’identité.
En attendant, de temps à autres on me refuse de poser un jour (légitimement) parce que « ça n’arrange pas ».
J’aurai eu envie de travailler là-bas. Ce service me plait, on apprend tout le temps, c’est assez varié, à terme, il y a même peut être possibilité de voir d’autres services. Mais au final, je suis qui moi pour postuler ? Une étudiante parmi tant d’autres. Un CV qui va se perdre parmi les autres.
J’aime ce que je fais. Mais aujourd’hui, les patients ont été durs, normalement, leur reconnaissance met un peu de baume au cœur. Aujourd’hui non. Il me reste 12h. Après, une autre prendra ma place. Et « l’étudiante qui était là y a pas longtemps » deviendra « la nouvelle étudiante ».
J’ai gueulé en demandant à la France d’être plus humaine, c’était le 8 novembre. Aujourd’hui, je me rends compte que dans le métier le plus humain du monde, on prend des gens pour des numéros de chambres, et une étudiante parmi des centaines d’autres. Voila l’humain d’aujourd’hui.

Ce n’est évidemment pas un choix. C’est un manque de temps, de praticité, de reconnaissance aussi du métier. Je ne blâme personne.

N’oubliez pas l’humain derrière la blouse, la porte, ou même le téléphone.

Diplôme M-7.
Connaissance du métier : 0%.

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